Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'ai un blog, ça y est je suis écrivain
17 juillet 2014

(#réminiscences) La pluie, le vent, le froid et Miossec

On se souvient de certaines chansons, mais on a certaines voix qui ne sont jamais parties.

Celle de mon père, que je m'efforce de me rappeler en me concentrant (de plus en plus profondément) quelques minutes chaque jour pour ne pas l'oublier.

Celle de ma prof de primaire, qui résonne encore quand je sens de l'ironie dans le ton de mon interlocuteur.

Celle de mon ancien amoureux belge et ses « mais noooon » qui trainaient.

Celles de mes cousines lorraines, quand on était petits, avec mon frère, on était jaloux de cet accent un peu vulgaire et trop prononcé, on voulait avoir le même, alors parfois on essayait, mais c'était assez insupportable pour mon père qui, lui, tentait de perdre le sien depuis vingt ans.

Et celles de certains chanteurs bien sûr.

Georges Brassens, Jean Ferrat, Maxime Le Forestier, Cat Stevens. Même quand je les écoute en HD, j'ai toujours le bruit du sillon du lecteur vinyle de chez mes parents qui me parvient.

Quand j'avais 17 ans, je n'arrivais pas à dormir sans que Bertrand Cantat s'énerve dans mes oreilles.

Yann Tiersen est venu un tout petit peu plus tard. Ses mélodies et son timbre tout timide sont évidemment éternellement associé à mes « travellings en train ». Le paysage qui défile à fond devant mes yeux, parfois entravé par mon reflet dans la vitre. Les habitudes, les Châlons-Metz, les London-Stevenage, les Paris-Brest. Des symphonies rassurantes.

Jacques Brel, tardivement. Inévitablement associé aux soirées sans fin d'un bureau brestois rempli de bandes-dessinées, d'histoires et de vin rouge.

Et celle de Mano Solo ! En filant dans tes tympans, il t'arrache le cœur.

Je suis fidèle aux voix, pour tant de raisons.

Et malgré tout, je continue d'écouter Miossec.

Ma voisine de chambre, à l'internat du lycée à Reims, avait eu le disque un peu par hasard. Je haissais. C'était devenu épidermique, presque. Je lui en ai voulu. Le disque de Miossec, notre box avec le lit, l'armoire, le bureau. Et cette putain de fenêtre avec vue sur le bâtiment d'en face, gris, gris, gris, le ciel aussi et quand elle mettait Miossec il pleuvait. Miossec la pluie. Et quand j'ai fini par aimer un peu, quand j'ai enregistré Le chien mouillé sur une cassette, il pleuvait quand je l'écoutais sur mon walkman. Traverser le quartier Saint-Rémi, quand il pleut, quand il vente, quand ça caille et que tu écoutes Miossec, à 16 ans, c'est que tu aimes entretenir ton mal-être adolescent, évidemment. Mais sur le moment tu t'en fous tu sais pas ce que c'est tu sais juste qu'il pleut et que tu as un peu envie de mourir.

Je n'ai plus pensé à Miossec ni au mal-être adolescent pendant longtemps. Et quand je suis partie quelques semaines à Brest finir l'écriture d'Errances, ça m'a repris. Peut être parce qu'il est de là-bas, peut être parce que j'avais besoin de réécouter cette voix un peu arrogante et ces textes agressifs. Ca m'a repris, la pluie, le vent, le froid et Miossec. Mais Saint-Martin, c'était pas Saint-Rémi, j'avais presque dix ans de plus, je ne connaissais pas les codes de cette ville ni de cette vie-là, il était beaucoup plus tard ou bien beaucoup plus tôt.

 

C'était bien d'avoir dix ans de plus, la pluie, le vent, le froid, Miossec et le besoin de s'arrêter tous les 100 mètres pour devoir écrire une ligne ou deux et d'y arriver, enfin.

 

La voix de Miossec, c'est comme un copain qui te guide sans te montrer le droit chemin.

 

N'empêche, quand j'écoute Miossec, je pense à ces kilomètres avalés sous la pluie, le chemin entre les deux quartiers et celui qui reste à faire et je relève la tête.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J'ai un blog, ça y est je suis écrivain
Publicité
Archives
Publicité