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J'ai un blog, ça y est je suis écrivain
16 juin 2014

(#dans la ville du vent; #réminiscences) LE CHERCHER

Je suis attablée à côté, j'ai demandé un ice-tea, c'est n'importe quoi, je bois jamais d'ice-tea, je n'aime pas ça. C'était juste le premier truc que j'ai vu, derrière le comptoir, il me fallait juste une bonne excuse pour m'assoir en terrasse. Devant moi, le bal des autocars pour Quimper, Landerneau et même Brignogan, tiens. Mais il est clair que je ne suis pas venue là pour admirer la vue.

J'en reconnais un ou deux, des piliers du centre commercial de la rue Jean-Jau. C'est le Coat-ar-Guéven, mais même moi je sais qu'on l'appelle le squat-ar-Guéven, même si ça traine moins depuis le tram. J'ai ma capuche, mon casque, mes lunettes de soleil. Personne ne me connait plus, mais il suffit que D. ou un autre de la bande du Royal passe pour qu'il soit au courant.

Le matin, pourtant, normalement, il vient là. Il boit un café, parfois il achète le journal à la gare, puis il remonte et l'après midi, deux fois par semaine, il va au caarud. Son emploi du temps ne laisse pas beaucoup de place à la spontanéité, alors quand il m'avait fait son laïus sur mes horaires et mon manque de liberté, c'est là que j'avais décidé de mettre ma veste et de partir.

J'étais revenue, j'étais passée voir au squat mais la porte du bas était fermée, cette fois. Retour dans les rues, place Guérin bien sûr, le Royal, la Plage, mais rien. Au Saint-Michel non plus. J'allais redescendre vers Recouvrance et je l'ai vu, attablé à la terrasse d'un PMU, le nez dans le Télégramme du jour. Je me suis assise et il s'est passé au moins deux minutes avant qu'il plante ses yeux tout mélancoliques dans les miens. Sans parler. J'avais envie de lui arracher son journal, un peu comme lui faire une scène. Il avait perdu son portable. Il avait déménagé. Il avait enfin décidé de ne plus suivre les humeurs de sa copine absente. Super, j'ai dit, là je dois y aller mais je passe chez toi ce soir alors. J'étais soulagée, il semblait aller bien, si ce n'était cette diction toujours si lente.

Le soir, donc, je suis passée. Et c'est là qu'il s'est mis à me descendre, à me parler de la liberté. Ouais, c'est sûr, toi, t'es vraiment plus libre que moi, la preuve, combien de temps ça fait que t'as pas quitté la ville parce que tu dois voir le doc tous les quinze jours pour ton traitement ? Oh oui, c'était violent. Moche, facile, mesquin. Mais pas injustifié. En courant dans la rue pour pas qu'il me rattrape avec sa lame dans la main, je refaisais le film de notre amitié et à quel point il avait été manipulateur, depuis le début, à exploiter n'importe quelle faille que je lui confiais.

C'est à tout ça que je pense, à cette terrasse du kebab de la gare routière, en attendant de trouver le courage de rentrer au point Kerros. Je repense au squat, à l'ennui, à la rue, à la nuit, au danger, à la tristesse, à la came bien sûr, aux questions et aux réponses.

C'est une fille de mon âge qui était de permanence, une fille toute douce qui m'a d'abord demandé si je voulais un café. Quand je lui ai parlé de lui, elle m'a dit tu sais c'est anonyme ici, j'ai dit je sais mais juste est ce qu'il est toujours dans le coin ? Ca faisait un bout de temps qu'il était pas venu là, en tout cas. Si j'étais une amie ? Probablement non, finalement. 

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