(#réminiscences) A la pépinière
(Tu connais la pépinière, à Nancy ? C'est juste un parc, un chemin, des pelouses quoi. Pas de sortes d'arbres un peu rares ou poussant drôle. Tromperie, déjà. Nous on dit : « La Pep' ». Enfin, nous... Eux. La Pep', c'est la sortie du dimanche. Quand tu as du monde qui vient, après manger, tu vas à la Pep' et tu leur montre la place Stan' à la fin. C'est Stanislas, en vrai, mais personne ne le dit en entier non plus.
Dans mes souvenirs, il fait toujours froid à la Pep'.)
D'abord, le maillot de corps, bon, d'accord, parce que c'est en coton tout lisse, déjà élimé des cousins. Ensuite, avec de la chance, c'est la couche de molleton, un pull, peut être avec un bisounours. Et c'est avec le chandail que les choses se gâtent. Perfide chandail. La laine est comme hérissée, épaisse, elle transperce le molleton et le coton, à chaque mouvement que tu fais le pull t'agresse sauvagement. Imagine-toi porter un balai à chiottes en dessous de ton t-shirt et tu seras encore loin de la vérité. Dans le cou, ça peluche un peu et surtout l'effet de serre est inévitable car en plus du chandail à poils de mouton, tu auras LA CAGOULE. Le bonnet ayant lamentablement échoué au test du pouvoir couvrant, on t'a mis une chaussette pour tête. De couleur kaki pour les garçons et rose pastel passé pour les filles, elle se prend dans la fermeture éclair de ton blouson, qui est rarement très assorti, d'ailleurs. Sous l'effet de la sudation, elle roulote et ta nuque transpirante est maintenant à l'air, prête à accueillir le premier courant d'air avec bienveillance. Comme tu l'as hérité d'un cousin, encore, elle est un peu rèche, mais c'est un moindre problème. Elle est surtout un peu trop petite, te laissant des démarcations sur les joues et sur le front, sans oublier que, l'acrylique te collant aux oreilles, tu n'entendras bien sûr plus qu'avec parcimonie.
Engoncé de la sorte, tu es encouragé à gravir des motos rouges ou des toboggans en ferraille blanchie et on te poussera volontiers sur la balançoire, où chaque main affectueusement déposée dans ton dos te gifflera l'échine. Tu tenteras bien de soulager ton épiderme en te grattant avec insistance, mais rien n'y fera, le soulagement n'arrivera qu'avec la voix de ton oncle qui signifiera que bon, on va peut être partir, c'est pas tout mais on a de la route.
Ah, le tapis en jonc du salon! Tu te précipite dessus dès ton retour à la maison.L'odeur du pain perdu et le soulagement du peau à peau avec le jonc.