Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'ai un blog, ça y est je suis écrivain
4 juin 2014

(#réminiscences) Je m'emmêlais déjà les crayons

 *

En sixième 

Dictée chiante et rédaction libre sur les premiers jours au collège, tout compte pour le concours, je m'applique je me relis je n'en dors plus puis j'oublie. Un jour, on nous rend nos dictées, ma copine et moi nous partageons la meilleure note. (1 mètre 35 et bonne en orthographe, tu vois un peu le tableau. Heureusement je n'avais pas de lunettes à l'époque) Le rendu de la rédaction est tellement tardif, entre temps il y a eu les vacances et on est allés chez ma grand-mère comme d'habitude et peut être aussi que c'était Pâques, mais un jour la prof arrive et je reconnais les copies. Elle les donne à tout le monde, sauf à moi. Et là, devant ma copine et le reste de la classe, elle annonce que j'ai eu la meilleure note de l'école et que je vais recevoir un prix à la réception samedi prochain parce que je suis troisième départementale et qu'on peut bien m'applaudir. Elle croyait bien faire, sans savoir ce qui se passait dans mon tout petit corps, du chaud, du froid, ça gratte et ça bourdonne. Quand je raconte oh la la la honte que j'ai eu, hein, à mes parents, je me fais engueuler, c'est quand même remarquable à mon âge, un prix d'écriture. A la réception, ma mère me dit de me tenir droite et de remercier ma prof quand je reçois mes livres. Le sous-préfet me fait la bise et on rentre. Ma copine se vengera deux ans plus tard en me volant un exposé sur notre séjour en Angleterre.

*

En cinquième

 

_ Mais ça raconte quoi, ton truc ?

_ T'as qu'à lire !

_ Mais y'a au moins 20 pages !

_ Tu veux écrire avec moi et tu veux pas lire 20 pages !

_ Moi je veux bien lire !

_ Toi le gros, on t'as pas sonné !

_ T'es obligée de lui parler comme ça ?

_ Bah quoi, on s'en fout de son avis !

_ Qu'est ce que t'en sais !

_ Tu préfères l'avis d'un gros que personne n'aime plutôt que le mien ?

_ Le gros il t'emmerde et il sait lire, lui au moins !

_ Ben t'as qu'à écrire avec lui, tiens !

 C'est ainsi que je n'ai donc jamais écrit de livre avec ma meilleure amie de cinquième. Ni même avec le gros de la classe, qui ne s'intéressait qu'aux mangas.

*

En quatrième 

C'était pendant un cours d'allemand, en plus. Le cours de fin d'après midi, avant de rentrer chez toi, quand tu penses plus qu'à manger des gateaux devant Hartley cœurs à vif. La torpeur de la salle du deuxième étage. Ja, ich bin euh auslander und euh euh ich spr... SPLASH. Oder : SPLASCHHHH, peut être. Mon stylo a pété. Deux morceaux, chaque main le sien. De l'encre sur mes doigts, sur mon cahier, sur ma table, sur mon t-shirt et même sur ma bouche. Mon cœur saigne du bleu partout, ça dégouline et je viens d'en avaler. J'ai une chanson dramatique dans la tête, la b.o d'un film où le héros se barre à la fin, probablement, et les copains rigolent de bon cœur, j'ai l'air d'un clown surpris de sa propre blague. La chancelière arrive, le brushing tellement impeccable qu'il ne bouge même pas quand elle me dit, de la voix la plus froide que j'ai jamais entendue : MADEMOISELLE, JAMAIS VOUS NE SAUREZ ECRIRE CONVENABLEMENT. 

*

En troisième

 Le dormeur du val. Moi, j'en ai pas dormi de la nuit. De savoir qu'un plouc des Ardennes pouvait écrire des choses pareilles, à 17 ans en plus, ça m'a retourné. Rimbaud, je l'ai toujours appelé Arthur, comme un copain, ou plutôt comme un grand frère qui m'aurait tout appris, moi, la plouc de la Marne. La beauté, la violence, la beauté de la violence et la violence de la beauté, Arthur, je lui dois cher. Dans ma classe, ils avaient tous des t-shirts de leur groupe préféré, moi j'avais un pin's sur mon chapeau beige. Je suis passée des boys bands à Arthur Rimbaud, sans sourciller. C'est la prof de français, un matin de printemps, qui va faire coïncider ma part de midinette à boutons avec celle, naissante, de petite chose sensible à la poésie : elle nous passe le film sur Rimbaud et Verlaine avec mon second héros de l'époque, Leonardo di Caprio, tu parles d'un événement. Ca valdingue dans l'ordre établi de mon petit cœur de 14 ans. Je bouffe du Rimbaud et du Verlaine matin, midi et soir. J'ai beaucoup oublié. Mais je me souviens de la fièvre qu'Arthur me mettait, de la force que le pin's me donnait, de m'être battue avec ce connard à grosses joues en lui citant des vers que je ne comprenais finalement qu'à peine. Deux ans plus tard, j'ai perdu mon pin's et j'ai eu une misérable histoire d'amour avec un véritable plouc des Ardennes à qui, aujourd'hui encore, je ferais bien deux trous rouges au côté droit.  

Publicité
Publicité
Commentaires
J'ai un blog, ça y est je suis écrivain
Publicité
Archives
Publicité